Neuropathies optiques
Définitions
Le nerf optique relie l'oeil au cerveau. C'est lui qui conduit l'influx lumineux, perçu par la rétine au fond de l'oeil, jusqu'au cortex cérébral (cortex occipital), qui la "traduit" en information visuelle.
Le nerf optique est composé d’environ 1,2 million d’axones, ou fibres, issus des cellules ganglionnaires de la rétine. Lorsqu'il est lésé par un processus pathologique, l’information visuelle, bien que perçue par la rétine, n’est plus transmise en quantité ou qualité suffisantes au cortex occipital afin d’y être intégrée et comprise.
Les neuropathies optiques peuvent avoir des causes nombreuses et le pronostic visuel est variable.
Neuropathies optiques inflammatoires
Classiquement, on distingue :
- Les atteintes antérieures, qui peuvent être intra-oculaires (papillites) ou rétro-oculaires (névrites à proprement parler).
Les papillites sont rares et d’origine essentiellement inflammatoire ou infectieuse. En cas de papillite, c'est la tête du nerf optique, à l'intérieur de l'oeil, qui est atteinte. Au fond d'oeil, l'ophtalmologiste perçoit d'ailleurs un oedème papillaire. La gamme des symptômes ressentis par le patient est variable, avec une perte d'acuité visuelle qui dépend de chacun. Il n'y a généralement aucune douleur associée.
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Les atteintes postérieures, ou névrites optiques rétro-bulbaires.
Ce diagnostic est plus fréquent. La NORB est plus fréquente chez les femmes jeunes et survient entre 20 et 40 ans. Cette fois, le tableau clinique est plus "riche", avec, notamment :
- Des douleurs rétro-orbitaires, qui sont majorées par la mobilisation du globe oculaire avec le regard,
- Des perturbations du réflexe photomoteur ; on note un déficit pupillaire afférent relatif (signe de Marcus Günn),
- Une baisse de l'acuité visuelle,
- Des perturbations de la vision des couleurs (dyschromatopsie d'axe rouge/vert)
- Des altérations du champ visuel.
En cas de NORB, il est essentiel de réaliser un bilan clinique complet, en étroite collaboration avec un neurologue. Ce type d'épisode traduit, en effet, souvent une pathologie du système nerveux plus générale. La sclérose en plaques (SEP) y est fréquemment associée.
Neuropathies optiques ischémiques
Neuropathie Optique Ischémique Antérieure Aigue (NOIAA)
Le nerf optique est vascularisé par les artères ciliaires courtes postérieures. La physiopathogénie des neuropathies ischémiques demeure mal comprise, mais l’hypothèse la plus probable serait une ischémie aigüe de la tête du nerf optique secondaire à une occlusion de ces artères.
Classiquement le patient atteint consulte en urgence, suite à une baisse d’acuité visuelle unilatérale, brutale et indolore, souvent découverte le matin au réveil.
Le diagnostic est confirmé, à l'examen, par :
- Au fond d'oeil : la présence d'un oedème papillaire,
- Des perturbations du réflexe photomoteur,
- Des perturbations du champ visuel (amputation dite "altitudinale")
NOIAA Non Artéritique
C’est la cause la plus fréquente de NOIAA. Elle représente plus de 90% des cas. Elle est favorisée par la présence de pathologies cardio-vasculaires, comme le diabète, l'hypertension artérielle ou un tabagisme actif. Le Syndrome d'Apnée-Hypopnée Obstructive du Sommeil (SAHOS) est fréquemment incriminé.
Certains semblent prédisposés, avec une anatomie oculaire particulière (yeux hypermétropes, avec une papille de petite taille).
Il n’y a malheureusement pas de traitement curatif, à l’heure actuelle. La récupération visuelle n’est généralement pas satisfaisante, à moyen ou long terme. Il est néanmoins essentiel d’effectuer un bilan cardiovasculaire complet, afin de rechercher les éventuels facteurs de risques et les supprimer, pour éviter qu'un événement similaire ne survienne sur l’œil controlatéral.
NOIAA Artéritique
Une NOIAA artéritique est la conséquence d'une maladie inflammatoire qui touche la paroi des vaisseaux sanguin : la maladie de Horton (autrement appelée "Artérite Giganto-cellulaire"). L'inflammation qui touche les vaisseaux entraîne l'occlusion des artères ciliaires postérieures. La souffrance du nerf optique, qui n'est plus perfusé, est rapide.
Il s'agit d'une urgence diagnostique et thérapeutique.
Un bilan complet, à la recherche d'un syndrome inflammatoire biologique, doit être réalisé sans délai. En cas de doute diagnostique, une biopsie de l'artère temporale doit être réalisée. Cette artère est, en effet, facilement accessible et fréquemment atteinte par les phénomènes inflammatoires.
La confirmation de la maladie de Horton doit faire débuter un traitement anti-inflammatoires (cortisone à fortes doses) le plus rapidement possible.
Le risque, sinon, est la bilatéralisation de la neuropathie optique, qui peut survenir dans les 15 jours.
Neuropathies optiques carentielles et toxiques
Neuropathies carentielles et alcoolo-tabagiques
Ce type d'atteinte survient essentiellement en cas de malabsorption vitaminique (par exemple, après une chirurgie bariatrique mal accompagnée d'un point de vue nutritionnel, ou en cas de pathologie digestive chronique) ou en cas d'importantes carences d'apports alimentaires. Le tabagisme chronique et la consommation d'alcool excessive sont également responsables, par toxicité directe sur les cellules nerveuses.
La baisse d'acuité visuelle s'installe de manière progressive, tout comme les altérations du champ visuel.
La prise en charge s'articule autour de deux axes :
- La supplémentation vitaminique : essentiellement en vitamines B1, B6 et B12 ;
- Le sevrage tabagique complet et définitif et l'arrêt de la consommation de boissons alcoolisées.
La récupération visuelle est plutôt aléatoire. Elle dépend surtout du degré d'atteinte au moment du diagnostic et du respect des mesures thérapeutiques.
Neuropathies optiques médicamenteuses
Il est souvent difficile d’établir un lien direct entre la survenue d'une neuropathie optique et une toxicité médicamenteuse. Malgré tout, certains traitements sont formellement identifiés comme à risque.
Les molécules suivantes sont fréquemment incriminées :
- Éthambutol,
- Isoniazide,
- Chloramphénicol,
- Amiodarone,
- Vincristine,
- Sildénafil…
Neuropathies optiques héréditaires
Les neuropathies optiques héréditaires sont des affections dégénératives, qui favorisent la destruction des cellules ganglionnaires de la rétine et de leurs axones, qui composent le nerf optique. Elles sont rares et concernent environ 1 naissance sur 10 000.
Ce sont des maladies génétiques. Certaines sont dites "syndromiques" ; c'est-à-dire qu'elles sont associées à des manifestations cliniques extra-oculaires. D’autres sont isolés et ne touchent que l'appareil visuel.
Atrophie Optique Dominante (Maladie de KJER)
Il s'agit d'une neuropathie bilatérale et symétrique. Elle est diagnostiquée dans l'enfance ou à l'adolescence. L'examen ophtalmologique est motivé par une vision médiocre, peu améliorée par le port de lunettes.
Au fond d'oeil, l'ophtalmologiste notera un signe typique : une pâleur bilatérale des papilles optiques, sur leur versant temporal. Un examen de la vision des couleurs sera effectué ; il montrera une dyschromatopsie d'axe bleu/jaune, tout à fait caractéristique de la maladie.
L'atrophie optique dominante est peu évolutive. Un individu atteint ne perdra pas complètement la vue.
Les progrès de la génétique médicale ont permis d'identifier le gène en cause : le gène OPA1. La transmission se fait sur un mode "autosomique dominant". Il suffit que l'un des parents soit atteint pour que le risque de transmission existe, quel que soit le sexe de l'enfant.
Neuropathie Optique Héréditaire de Leber
La baisse d'acuité visuelle est, dans cas, brutale. Elle survient d'abord sur un oeil, puis atteindra l'autre, après un délai de quelques semaines (typiquement 6 à 8 semaines). L'âge de survenue est variable.
Le pronostic visuel est plutôt sombre, avec une récupération souvent médiocre.
Des atteintes extra-oculaires sont possibles, notamment cardiaques.
La mutation est transmise par la mère, via l'ADN mitochondrial. Hommes et femmes peuvent être atteints, mais les hommes ne transmettent pas la maladie.
Des études thérapeutiques récentes orientent la prise en charge vers la prescription de l'idébénone. Ce traitement est réservé aux atteintes récentes. Il doit, bien sûr, s'associer à un sevrage tabagique complet et à l'arrêt de l'alcool, afin d'éliminer toute neurotoxicité surajoutée à la maladie.